HUN-2016-3-006
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  05-12-2016 / e)  22/2016 / f)  Sur l'interprétation de la clause UE / g)  Magyar Közlöny (Journal officiel), 2016/191 / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Justice constitutionnelle - Compétences - Types de contentieux - Répartition des compétences entre l’UE et les États membres.
Justice constitutionnelle - Compétences - Objet du contrôle - Droit de l’Union européenne - Droit dérivé.
Sources - Hiérarchie - Hiérarchie entre sources nationales et non nationales - Droit de l’Union européenne et droit national - Droit dérivé de l’Union européenne et constitutions.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Constitution, identité / Contrôle constitutionnel / Acte de l'Union européenne, excès de pouvoir («ultra vires») / Souveraineté.
 
Sommaire (points de droit):
 
La Cour constitutionnelle est habilitée à vérifier si l'exercice conjoint de compétences avec l'Union européenne porte atteinte à la dignité humaine, à d'autres droits fondamentaux, à la souveraineté de la Hongrie ou à l'identité propre de la Hongrie telle qu'elle est consacré par sa Constitution historique. Cette décision confirme le droit de la Cour de vérifier la non-ingérence dans l'exercice de droits fondamentaux et l'absence d'excès de pouvoir (en recherchant toute transgression éventuelle de la souveraineté ou de l'identité constitutionnelle de la Hongrie).
 
Résumé:
 
I. La décision n° 2015/1601 du Conseil de l'Union européenne (UE) adoptée le 22 septembre 2015 a introduit un système de quotas concernant la répartition et l'installation des demandeurs d'asile et des migrants entre les États membres.
 
En décembre 2015, l'ombudsman avait demandé à la Cour constitutionnelle d'interpréter deux à l'aune du système de l'Union européenne relatif à la réinstallation des migrants. L'une des dispositions constitutionnelles en question interdit les expulsions collectives et prévoit que les étrangers résidant sur le territoire hongrois ne peuvent être expulsés que sur décision de justice (article XIV.1 de la Loi fondamentale). L'autre disposition est ce qu'il est convenu d'appeler la clause UE, qui confère à la Hongrie, dans la mesure nécessaire à l'exercice des droits et obligations énoncés dans les traités fondateurs de l'Union européenne, la faculté d'exercer une partie des compétences découlant de sa loi fondamentale conjointement avec d'autres États membres à travers les institutions de l'Union européenne ().
 
L'ombudsman avait posé à la Cour quatre questions:
 
1. L'interdiction d'expulsion du territoire hongrois énoncée à l'article XIV.1 vise-t-elle uniquement les actes de ce type commis par les seules autorités hongroises ou s'applique-t-elle également aux actes des autorités hongroises visant à obtenir une expulsion interdite qui serait mise en œuvre par d'autres États?
 
2. L'article E.2 impose-t-il aux services de l'État de mettre en œuvre des textes législatifs de l'UE incompatibles avec des droits fondamentaux énoncés dans la loi fondamentale? Dans le cas contraire, quelle est l'instance officielle habilitée à établir ce fait?
 
3. L'article E.2 peut-il restreindre la mise en œuvre d'un acte entaché d'excès de pouvoir? Si les services de l'État ne sont pas tenus de mettre en œuvre es textes législatifs de l'UE entachés d'excès de pouvoir, quelle est l'instance officielle habilitée à établir ce fait?
 
4. L'article XIV.1 et l'article E peuvent-ils être interprétés de manière à restreindre le pouvoir des services de l'État hongrois, agissant dans le cadre législatif de l'UE, en matière de facilitation de la réinstallation d'un groupe important d'étrangers résidant légalement dans l'un des États membres sans le consentement explicite ou implicite des intéressés et en l'absence de critères de sélection personnalisés et objectifs?
 
II. Dans la présente décision, la Cour constitutionnelle n'a pas répondu à la question 1, mais elle a répondu comme suit aux questions 2 à 4. Le contrôle de la non-ingérence dans les droits fondamentaux se fonde sur les articles E.2 et I.1 de la loi fondamentale. L'article I.1 impose le respect des droits individuels fondamentaux inviolables et inaliénables. La protection desdits droits constitue le premier devoir de l'État. Après avoir pris en considération cet impératif ainsi que la nécessité de coopérer au sein de l'UE et la primauté du droit européen, la Cour a conclu qu'elle ne saurait renoncer à la défense en dernier recours de la dignité humaine et des autres droits fondamentaux. Selon les juges, l'État étant tenu de respecter les droits fondamentaux, la force contraignante de ces derniers s'applique également aux cas dans lesquels la puissance publique s'exerce conjointement avec les institutions de l'UE ou d'autres États membres.
 
La Cour a souligné qu'il existait deux limites principales à l'exercice de compétences déléguées ou conjointes: ledit exercice ne peut pas entraîner une atteinte à la souveraineté de la Hongrie (contrôle du respect de la souveraineté) ni à l'identité constitutionnelle de la Hongrie (contrôle du respect de l'identité). Les juges constitutionnels ont fondé leur raisonnement sur l'interprétation de la Profession de foi nationale placée en tête de la loi fondamentale et sur l'article E de cette dernière, qui mentionne un «traité international» tel que, par exemple, l'article 4.2 du Traité sur l'Union européenne.
 
Premièrement, la Cour a mentionné le concept de «souveraineté de l'État» (pouvoir suprême, territoire et population) qui découle des articles B.1, B.3 et B.4 de la loi fondamentale. Les juges ont estimé que l'article E.2 ne devrait pas vider l'article B de sa substance et souligné que l'exercice des pouvoirs (au sein de l'UE) ne saurait résulter en l'impossibilité pour le peuple d'exercer le contrôle ultime de l'exercice de la puissance publique que reconnaît la loi fondamentale.
 
Deuxièmement, la Cour a fondé le contrôle du respect de l'identité sur l'article 4.2 du Traité sur l'Union européenne. Elle a reconnu que la protection de l'identité constitutionnelle incombait à la Cour de justice de l'UE et reposait sur une coopération constante, un respect mutuel et le principe d'égalité. À ses yeux, l'identité constitutionnelle se confond avec l'identité propre de la Hongrie, que consacre la Constitution. Son contenu doit être déterminé cas par cas en vertu de la loi fondamentale considérée dans son ensemble et de l'article R.3 de celle-ci qui exige que l'interprétation de la Constitution soit conforme à ses fins, à la Profession de foi nationale qu'elle contient et aux acquis de la Constitution historique. Tout en estimant que l'identité constitutionnelle de la Hongrie ne saurait se résumer à une liste exhaustive de valeurs, la Cour a tenu à mentionner certaines d'entre elles, notamment: les libertés, la répartition des pouvoirs, la forme républicaine de l'État, le respect de l'autonomie administrative, la liberté de religion, la légalité, le parlementarisme, l'égalité devant la loi, la reconnaissance du pouvoir judiciaire et la protection des minorités nationales. En vertu de la décision, ces valeurs correspondent à des normes constitutionnelles modernes et universelles, ainsi qu'aux acquis de la Constitution historique servant de fondement à l'ordre juridique hongrois.
 
De plus, la Cour a estimé que la protection de l'identité constitutionnelle pouvait également être invoquée, d'une part, en ce qui concerne les questions ayant un impact sur les conditions de vie des citoyens, notamment la protection de la sphère privée, de la responsabilité décisionnelle, de la liberté politique et de la sécurité sociale tous domaines bénéficiant d'une protection au titre des droits individuels fondamentaux et, d'autre part, en ce qui concerne les questions relevant du patrimoine linguistique, historique et culturel de la Hongrie.
 
La Cour a estimé en outre que l'identité constitutionnelle de la Hongrie était une valeur essentielle qui avait été non pas créée mais simplement reconnue par la loi fondamentale et à laquelle, par conséquent, on ne saurait renoncer en vertu d'un traité international. La défense de cette identité constitutionnelle propre de la Hongrie incombe à la Cour constitutionnelle tant que la Hongrie conserve sa souveraineté. Aux yeux de la Cour, il résulte de ce qui précède que la souveraineté et l'identité constitutionnelle se recoupent à bien des égards, aussi le contrôle du respect de l'une doit-il s'accompagner du contrôle du respect de l'autre.
 
III. Cinq juges ont formulé une opinion concordante et un juge a formulé une opinion dissidente.
 
Langues:
 
Hongrois.