HUN-2014-1-001
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  07-03-2014 / e)  7/2014 / f)  Critiques visant des personnages publics / g)  Magyar Közlöny (Journal officiel)), 2013/3 / h)  CODICES (anglais).
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droit à la dignité.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté d'expression.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté de la presse écrite.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Débat, public, restriction / Droits de la personnalité, personnage public.
 
Sommaire (points de droit):
 
La disposition du nouveau Code civil qui autorise un degré plus important de critique lorsque celle-ci vise des personnages publics, à condition que cela soit justifié par un «intérêt général identifiable», porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.
 
Résumé:
 
I. En 2013, le Parlement a adopté un nouveau Code civil (loi V de 2013), dont l’article 2.44 autorisait un degré plus important de critique lorsqu’elle visait des personnages publics (dans une mesure nécessaire et proportionnée), à condition que cela soit justifié par un intérêt général identifiable. Cette disposition devait entrer en vigueur le 15 mars 2014.
 
L’ancien commissaire aux droits fondamentaux du Parlement, s’interrogeant sur la constitutionnalité de cette disposition, en a demandé un contrôle ex post facto. En vertu de la disposition litigieuse, les personnages publics ne peuvent faire l’objet de critiques sévères que si celles-ci ne portent pasatteinte à la dignité humaine de la personne concernée, si leur intensité est nécessaire et proportionnée, et si l’existence d’un «intérêt général identifiable» peut être constatée. Le commissaire faisait valoir que l’exigence d’un «intérêt général identifiable» restreignait de façon disproportionnée la liberté d’expression et la liberté de la presse et ne protégeait pas suffisamment le débat sur les affaires publiques et la critique concernant l’usage de la puissance publique.
 
II. Bien que le Code civil aborde cette question du point de vue de la protection des droits de la personnalité, la Cour a contrôlé la disposition attaquée sous l’angle de la garantie de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. La Cour a considéré que le fait de s’exprimer au sujet de personnages publics constituait un aspect essentiel de l’expression des opinions politiques. Le fait de faire des déclarations concernant les activités, les positions ou la crédibilité de personnalités publiques fait partie du débat sur les affaires publiques. En outre, la presse a pour mission de contrôler ceux qui exercent la puissance publique, d’informer sur les actes des personnes et des institutions qui participent à la gestion des affaires publiques et de porter une appréciation sur ces actes (le cas échéant, en les critiquant sévèrement). Dès lors, s’agissant de la protection des droits de la personnalité des personnages publics, une moindre restriction de la liberté d’expression et de la liberté de la presse est considérée comme conforme à l’article IX de la Loi fondamentale. Les citoyens et la presse doivent être en mesure de participer au débat public sans incertitudes et sans crainte. Il serait contraire à cet intérêt que les personnes qui s’expriment sur les affaires publiques aient à craindre les conséquences juridiques découlant de la protection des droits de la personnalité des personnages publics. Le large éventail de sanctions-réparations (que prévoyait le nouveau Code civil) pourrait fortement contribuer à dissuader les personnes de participer au débat public.
 
Le commissaire contestait uniquement la condition liée à l’existence d’un «intérêt général identifiable» et considérait que les deux autres conditions étaient conformes à la Constitution. La constitutionnalité d’un élément d’une disposition ne peut pas être appréciée indépendamment de ses autres éléments; aussi la Cour constitutionnelle a-t-elle apprécié la demande au regard des trois conditions.
 
En vertu de la première condition, le débat public libre ne peut porter atteinte aux droits de la personnalité d’un personnage public que dans une mesure «nécessaire et proportionnée». La Cour a estimé que cette condition ménageait une marge d’appréciation adéquate et nécessaire, permettant au pouvoir judiciaire d’établir des critères pour fixer les limites de l’expression des opinions politiques. Le pouvoir judiciaire doit, au cours de ce processus, tenir compte du fait que toutes les déclarations concernant les affaires publiques jouissent d’une protection constitutionnelle particulière, de sorte que les restrictions des droits de la personnalité des personnages publics sont jugées «nécessaires et proportionnées» dans une mesure plus large que s’agissant d’autres personnes.
 
En vertu de la deuxième condition, les limites de la libre expression des opinions politiques doivent être fixées par le pouvoir judiciaire de manière à prévenir les atteintes à la dignité humaine des personnages publics. La Cour a estimé que cette condition était conforme à l’article IX de la Loi fondamentale, puisqu’elle ne pose une limite absolue à la liberté d’expression que dans le champ assez étroit des opinions portant atteinte aux fondements de la dignité humaine.
 
En vertu de la troisième condition, la liberté du débat public peut être limitée en vertu d’un «intérêt général identifiable». La Cour a estimé que cette condition était inconstitutionnelle, soulignant qu’un libre débat public constitue en soi un «intérêt général identifiable». Il n’est donc pas nécessaire de justifier d’un autre «intérêt général», et moins encore de son caractère «identifiable», pour permettre la critique des personnages publics. La condition litigieuse prévue par le Code civil réduit de manière injustifiée la portée de la liberté d’expression, puisque la critique sévère des personnages publics ne serait autorisée qu’après qu’ait été constatée l’existence d’un intérêt général en sus de l’intérêt social permanent attaché au débat sur les affaires publiques. La Cour a invalidé la formule «sur la base d’un intérêt général identifiable» de l’article 2.44. Cet élément n’est donc pas entré en vigueur le 15 mars 2014.
 
III. Les juges István Balsai, Egon Dienes-Ohm, Imre Juhász, Barnabás Lenkovics, Béla Pokol, László Salamon et Mária Szívós ont joint des opinions dissidentes à l’arrêt.
 
Langues:
 
Hongrois.