HUN-2007-M-001
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  05-11-2003 / e)  50/2003 / f) / g)  Magyar Közlöny (Journal officiel), 2003/126 / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Justice constitutionnelle - Compétences - Objet du contrôle - Règlements d'assemblées parlementaires.
Justice constitutionnelle - Compétences - Objet du contrôle - Carence d'acte du législateur ou de l’administration.
Principes généraux - Séparation des pouvoirs.
Principes généraux - État de droit.
Institutions - Organes législatifs - Compétences - Pouvoir d’investigation.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Recours effectif.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Accès aux tribunaux.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté d'expression.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droit à l'information.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Parlement, enquête, procédure / Parlement, enquête, garanties / Vide juridique.
 
Sommaire (points de droit):
 
Les dispositions légales encadrant les activités d'investigation et de contrôle exercées par les commissions parlementaires permanentes ou temporaires sont en grande partie incomplètes. La loi ne précise pas les conditions qui garantiraient l'efficacité des examens menés par ces commissions ou qui établiraient le caractère sui generis des enquêtes qui leur sont confiées. Il n'existe pas non plus de garanties légales protégeant les droits fondamentaux des citoyens face aux investigations auxquelles se livrent les commissions parlementaires en qualité d'organes chargés de l'application des lois et investis de prérogatives de puissance publique.
 
Ce vide juridique crée une situation inconstitutionnelle. D'une part, l'insuffisance des dispositions légales nuit à l'efficacité des investigations menées par les commissions parlementaires, ce qui pourrait mettre à mal la fonction de contrôle du parlement qui découle de la doctrine de la séparation des pouvoirs et risquerait aussi de porter atteinte à la liberté du débat public, inscrite à l'article 61.1 de la Constitution. D'autre part, cette même insuffisance pourrait constituer une menace pour les droits personnels et la liberté de la vie privée qui découlent des articles 54.1 et 59.1 de la Constitution, empêcher l'exercice du droit au recours inscrit en son article 57.5, et compromettre la sécurité des garanties procédurales dans un État de droit lors des investigations menées par lesdites commissions.
 
Résumé:
 
I. La Cour constitutionnelle a été saisie de plusieurs recours portant sur des enquêtes effectuées par des commissions parlementaires. L'un d'eux lui demandait de conclure à l'existence d'un manquement - inconstitutionne - à l'obligation de légiférer, au motif que les droits des commissions parlementaires ad hoc et des commissions d'enquête se trouvent uniquement définis dans des résolutions parlementaires et des décisions de commissions parlementaires, et non dans des lois. Le requérant faisait valoir qu'il s'agissait là d'une violation des dispositions de la Constitution relatives à la restriction des droits fondamentaux, au droit d'accès aux tribunaux, au droit au recours en justice ainsi qu'au droit à la protection des données personnelles.
 
II. Aux termes de l'article 49.1 de la loi XXXII de 1989 sur la Cour constitutionnelle (ci-après, «la loi»), un manquement - inconstitutionne - à l'obligation de légiférer peut être établi lorsque le corps législatif a omis de s'acquitter de la mission qui lui était confiée par une norme légale, ceci créant une situation inconstitutionnelle. En l'absence des garanties nécessaires à l'exercice d'un droit fondamental, ou dans l'hypothèse où le défaut de réglementation compromettrait l'exercice d'un droit fondamental, la Cour conclut à l'existence d'un manquement inconstitutionnel.
 
Pour déterminer s'il y avait eu ou non manquement inconstitutionnel à l'obligation de légiférer, la Cour était, en l'espère, amenée à examiner si les dispositions régissant les commissions parlementaires étaient à ce point insuffisantes qu'il existait un vide juridique constitutif d'un manquement, dont il lui fallait ensuite décider s'il était ou non à l'origine d'une situation inconstitutionnelle.
 
Une question incidente se posait alors: ledit vide juridique devait-il être comblé par une loi ou suffisait-il d'adopter une résolution parlementaire normative? Pour répondre à ces questions d'ordre constitutionnel, la Cour a examiné, dans un contexte plus large, les fonctions d'enquête et de contrôle des commissions parlementaires et les dispositions légales les encadrant.
 
2. La Cour s'est intéressée aux obligations constitutionnelles qu'a le législateur de réglementer les activités d'enquêtes et de contrôle des commissions parlementaires.
 
Les fonctions d'enquête et de contrôle de ces commissions, qui résultent directement de l'article 21 de la Constitution, sont fondées sur deux règles constitutionnelles.
 
La première est la prééminence du droit, telle qu'elle ressort de l'article 2.1 de la Constitution, règle qui contient un critère essentiel sur le plan de la constitutionnalit - le principe de la séparation des pouvoirs. Le droit qu'a le Parlement de mener des investigations par le truchement de ses commissions et l'obligation de rendre compte qui est faite aux ministres servent à contrôler l'action du Gouvernement, c'est-à-dire du pouvoir exécutif. Les droits d'investigation et les obligations de rendre compte permettent au Parlement d'être informé, ce qui lui est indispensable pour exercer son contrôle.
 
Les fonctions d'enquête des commissions parlementaires découlent de l'article 61.1 de la Constitution. Cet article consacre comme droits fondamentaux l'accès aux données d'intérêt général (liberté de l'information) et la liberté d'exprimer son opinion. Etre informé et connaître les faits sont des facteurs clés de la liberté d'expression. Le Parlement joue ici un rôle important et indispensable, en ce qu'il lui revient non seulement d'établir des normes, mais aussi de débattre de questions d'intérêt public. Les commissions parlementaires qui mènent des enquêtes sur ces questions et qui auditionnent des responsables exerçant des missions relevant du droit public contribuent grandement au débat portant sur des questions d'intérêt général.
 
3. Dans son recours invoquant un manquement inconstitutionnel à l'obligation de légiférer, le requérant a fait valoir que plusieurs dispositions de la Constitution avaient été violées car l'activité des commissions parlementaires ad hoc et des commissions d'enquête est réglementée par des résolutions parlementaires, et non par des lois, qui sont dotées d'une force contraignante universelle.
 
Les articles 54.1 et 59.1 de la Constitution protègent la vie privée, le secret privé, la réputation et les données personnelles des individus. La protection de la vie privée est étroitement liée à la question de savoir comment les garanties constitutionnelles exigées dans d'autres procédures, en particulier les poursuites pénales, sont respectées lors des missions menées par les commissions parlementaires dans le cadre de leurs investigations. En Hongrie, le statut juridique des personnes faisant l'objet d'une enquête, contraintes de témoigner ou convoquées à une audition n'est pas clair. Selon l'article 21.3 de la Constitution, tout individu est tenu de témoigner devant les commissions parlementaires. Dans le même temps, l'interdiction de l'auto-incrimination et la présomption d'innocence visée à l'article 57.2 de la Constitution doivent bien évidemment être appliquées sans réserve dans les procédures autres que pénales.
 
L'article 57.1 de la Constitution garantit à chacun le droit d'être entendu par un tribunal. L'article 57.5 confère le droit d'introduire un recours contre une décision judiciaire, administrative, ou émanant d'une autre autorité. Le travail des commissions parlementaires chargées de procéder à des investigations relève d'une activité d'application de la loi reposant sur l'exercice de prérogatives de puissance publique. L'obligation d'offrir la possibilité de contester les décisions rendues dans le cadre de cette activité lorsqu'elles portent atteinte aux droits, devoirs et intérêts légitimes des citoyens et d'autres individus, découle de l'article 57.5 de la Constitution.
 
Au regard des dispositions actuellement en vigueur en Hongrie, les commissions parlementaires qui mènent des investigations ne sont pas tenues d'adopter des résolutions formelles concernant les décisions et mesures qu'elles arrêtent et qui affectent les droits et devoirs des citoyens. Il n'existe pas d'obligation juridique concernant les recours visant les décisions prises par des commissions parlementaires, puisque ces instances ne peuvent ni intenter une action judiciaire ni être attaquées en justice. Elles ne peuvent pas davantage être considérées comme des organes administratifs. Aucune loi de nature procédurale ne s'applique aux commissions d'enquête parlementaires.
 
4. Sur la base des faits exposés ci-dessus, la Cour a conclu à l'existence d'un manquement inconstitutionnel de la part du parlement, considérant que ce dernier avait failli à son obligation de légiférer dans la mesure où les enquêtes menées par ses commissions permanentes et temporaires ne sont pas encadrées par une loi. Elle a également jugé que le parlement n'avait pas créé, sur le plan légal, les conditions préalables nécessaires pour garantir l'efficacité des enquêtes dont sont chargées les commissions parlementaires.
 
Langues:
 
Hongrois.