HUN-2005-1-001
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  28-04-2005 / e)  17/2005 / f) / g)  Magyar Közlöny (Journal officiel), 2005/56 / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Principes généraux - Mise en balance des intérêts.
Principes généraux - Intérêt général.
Institutions - Organes exécutifs - Exécution des lois - Compétence normative déléguée.
Institutions - Organes juridictionnels - Procédure.
Institutions - Finances publiques - Fiscalité.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Champ d'application - Procédure pénale.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Droit à la consultation du dossier.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Égalité des armes.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de l'affaire.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Procédure pénale, frais / Communication, dossiers, accès, frais obligatoires.
 
Sommaire (points de droit):
 
Exiger d'un prévenu qu'il s'acquitte d'avance du montant de frais obligatoires pour pouvoir obtenir une copie des pièces importantes versées à son dossier est inconstitutionnel. Il ne suffit pas que des dispositions permettent de lever cette obligation financière au profit des personnes qui ne peuvent en assumer la charge. En vertu de la Constitution, toute personne pénalement poursuivie doit avoir librement et également accès aux pièces importantes versées à son dossier et doit pouvoir disposer de sa propre copie de ces documents. Tout prévenu, indépendamment de ses revenus et de sa fortune, a droit à un procès équitable et à se faire représenter, ce qui inclut le droit d'obtenir sans frais les pièces importantes versées à son dossier.
 
Résumé:
 
Plusieurs requérants ont demandé à la Cour constitutionnelle d'exercer son contrôle sur les dispositions du Code de procédure pénale et de la loi relative au régime des frais qui exigent des prévenus qu'ils s'acquittent de droits pour pouvoir obtenir un exemplaire des pièces importantes versées à leur dossier. Le montant de ces droits est directement lié au nombre de photocopies demandé.
 
Les requérants ont d'abord argué de l'inconstitutionnalité, tant dans la forme que sur le fond, des dispositions relatives à ces frais. D'après la Constitution, seule la loi peut réglementer les droits fondamentaux. Les requérants ont fait valoir que les dispositions contestées restreignaient leurs droits constitutionnels et avaient été adoptées par décret ministériel. Selon eux, ces règles ne découlaient spécifiquement d'aucune loi précise et, de ce fait, étaient inconstitutionnelles et devaient être annulées. La Cour a rejeté ce moyen; elle a conclu que les dispositions attaquées dérivaient - certes pas spécifiquement - de la loi relative au régime des frais et qu'il existait un lien général entre elles, ce qui suffisait à satisfaire la condition posée par la Constitution.
 
Les requérants ont fait valoir un deuxième argument, plus fort encore: selon eux, les dispositions relatives aux frais étaient inconstitutionnelles dans leur contenu car elles équivalaient à exiger des prévenus qu'ils s'acquittent de droits obligatoires en échange des pièces importantes versées à leur dossier, ce qui était contraire à deux de leurs droits constitutionnellement garantis: le droit à un procès équitable (article 57.1) et le droit à se faire représenter par un avocat au cours du procès pénal (article 57.3). Les frais obligatoires doivent être payés par le prévenu, son avocat, ou son tuteur légal s'il est mineur. Si aucune de ces personnes ne peut s'acquitter du montant des frais, alors il ne peut être délivré aucune copie des pièces importantes versées au dossier du prévenu et il est donc impossible pour l'avocat de préparer convenablement la défense de son client. Par conséquent, le prévenu serait injustement désavantagé et le procès ne satisferait pas à la condition d'équité.
 
En réponse à ces objections, la Cour a souligné que dans les affaires pénales, les pièces importantes versées au dossier du prévenu sont nécessaires pour apprécier convenablement sa situation juridique et pour être en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'affaire. Dans sa décision n° 6/1998 [HUN-1998-1-003], elle a affirmé qu'un avocat ne pouvait préparer efficacement la défense d'un prévenu que s'il avait la possibilité d'emporter des exemplaires des pièces importantes du dossier de son client afin de préparer convenablement sa défense. Le simple accès aux exemplaires originaux ne permet pas d'examiner soigneusement les pièces figurant dans le dossier et de préparer une défense solide.
 
Le droit à se faire représenter par un avocat - constitutionnellement garanti - implique obligatoirement que la défense dispose du temps et des facilités nécessaires pour se préparer. Cette idée renforce l'argument selon lequel il est inconstitutionnel de refuser de délivrer des copies de pièces importantes versées au dossier du prévenu qui sont indispensables à la préparation de sa défense. En ce qui concerne les personnes défavorisées, subordonner l'obtention de telles pièces au paiement de frais obligatoires revient à refuser de leur délivrer ces documents, d'où une atteinte à leur droit - constitutionnellement garanti - à se faire représenter par un avocat.
 
Le droit à un procès équitable, garanti par la Constitution, repose également sur le concept d'"égalité des armes", en vertu duquel les parties au procès doivent avoir accès aux mêmes instruments et moyens juridiques pour se défendre. Il est injuste de permettre à l'une d'entre elles d'obtenir gratuitement une copie des pièces importantes, alors que l'autre doit pour cela verser des frais - en d'autres termes, surmonter un obstacle pour disposer des mêmes moyens que la partie adverse. Le fait d'imposer cet obstacle supplémentaire, tout en sachant que les personnes qui n'ont pas les moyens de payer les droits exigés pour la délivrance des photocopies demandées se les verront refuser, porte atteinte au principe de l'égalité des armes.
 
L'article 70.I de la Constitution énonce que chacun, en fonction de ses revenus et de sa fortune, a le devoir de contribuer aux recettes publiques. Le gouvernement jouit d'un large pouvoir discrétionnaire pour décider à quelles fins les fonds publics doivent être collectés et utilisés. La Cour n'a pas compétence pour s'ingérer dans les modalités de collecte et de répartition des fonds décidées par le gouvernement. Si l'on tient compte de ce seul élément, la décision de subordonner l'obtention de photocopies des pièces importantes versées au dossier du prévenu au paiement de frais n'est pas contraire à la Constitution, puisque la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur la meilleure méthode de collecte des recettes publiques. La Cour ne peut contrôler la constitutionnalité de dispositions que dans la mesure où elles portent atteinte à d'autres droits constitutionnellement garantis.
 
Les droits fondamentaux, bien que protégés par la Constitution, peuvent faire l'objet de restrictions. L'article 8.2 de la Constitution permet au parlement d'adopter des lois qui limitent les droits fondamentaux, mais ces lois ne doivent pas être contraires à l'essence des droits. Pour qu'une telle restriction soit valable, elle doit remplir deux conditions: d'abord, elle doit être nécessaire pour protéger un autre droit constitutionnel ou pour atteindre un autre objectif constitutionnel; ensuite, le bénéfice qui en est retiré doit être proportionné à la restriction du droit.
 
Selon la Cour, les dispositions relatives aux frais contestées n'étaient pas nécessaires pour atteindre l'objectif constitutionnel de l'article 70.I. Il n'est pas porté atteinte à cet article si le gouvernement ne subordonne pas l'obtention de photocopies des pièces importantes versées au dossier du prévenu au paiement de frais, car il a d'autres solutions concrètes à sa disposition pour collecter des fonds. En restreignant un droit sans que cela soit nécessaire à la protection d'un autre droit ou objectif constitutionnel, le régime des frais attaqué n'a pas rempli la première des conditions susmentionnées.
 
La Cour a jugé que chaque disposition incriminée, prise individuellement, n'imposait pas le paiement de frais obligatoires et, par conséquent, n'enfreignait pas la Constitution. Cependant, lues conjointement, les lois et dispositions contestées avaient pour résultat de contraindre le prévenu, son avocat ou son tuteur légal s'il était mineur à payer des frais pour obtenir une copie des pièces importantes versées à son dossier et ce, quelle que fût sa situation financière. Du fait de la complexité des règles attaquées, aucune disposition ou partie de disposition précise ne pouvait être annulée seule pour cause d'inconstitutionnalité. La Cour a donc invité le parlement à se pencher sur les questions soulevées dans sa décision et à apporter les modifications nécessaires à la législation en vigueur en vue de protéger et de sauvegarder les droits consacrés par la Constitution.
 
Langues:
 
Hongrois.