HUN-2004-3-009
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  13-12-2004 / e)  54/2004 / f) / g)  Magyar Közlöny (Journal officiel), 2004/198 / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Justice constitutionnelle - Compétences - Étendue du contrôle.
Principes généraux - Sécurité juridique.
Principes généraux - Clarté et précision de la norme.
Principes généraux - Nullum crimen, nulla poena sine lege.
Principes généraux - Proportionnalité.
Principes généraux - Intérêt général.
Droits fondamentaux - Égalité.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droit à la dignité.
Droits fondamentaux - Droits économiques, sociaux et culturels - Droit à la santé.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Stupéfiant, détention, usage, responsabilité / Stupéfiant, santé publique, danger / Traité, mise en œuvre.
 
Sommaire (points de droit):
 
La consommation de drogues ôte au consommateur une partie de sa dignité en rendant sa capacité de décision dépendante de facteurs extérieurs. C'est là que l'État intervient car il est tenu de protéger avec ses institutions le droit à la santé. Autoriser l'usage de drogues reviendrait à supprimer le droit de l'individu à une libre autodétermination. On ne peut considérer que la perte de contrôle de soi ("self-overpowering") fait partie du droit à la libre autodétermination, puisqu'elle a des conséquences pour la société et la sécurité publique. La liberté d'action créatrice et protectrice de valeurs ne peut exister que dans un environnement sûr et qui est sans crainte. Les dispositions pertinentes du Code pénal protègent l'ensemble de la société des dangers des stupéfiants. En matière de prévention spéciale, et en raison du risque découlant de "l'incertitude due à la liberté du consommateur", la restriction du droit à la libre autodétermination par l'incrimination de certains comportements ne peut être considérée comme inutile ou disproportionnée.
 
Résumé:
 
Cinq recours ont demandé à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les accords internationaux de certaines dispositions du Code pénal concernant la consommation de drogues. Elles demandaient également à la Cour constitutionnelle de déclarer que le législateur n'avait pas rempli ses obligations législatives découlant de traités internationaux.
 
Plusieurs recours contestaient le Code pénal en arguant que le texte en vigueur ne garantissait pas le droit à la libre autodétermination qui découle du droit à la dignité de la personne. En outre, elles se plaignaient de ce que les règles en vigueur déclaraient vouloir punir l'usage de certains stupéfiants et substances psychotropes, d'une part sans tenir compte de considérations raisonnables et, d'autre part, sans établir des distinctions selon que la personne se procure ou détient des drogues pour sa consommation personnelle ou à des fins commerciales. Selon deux parlementaires, les dispositions concernant l'exemption de la responsabilité pénale violaient la Convention unique sur les stupéfiants signée à New York ainsi que la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes signée à Vienne. Selon eux, les expressions employées dans le Code pénal telles que "à l'occasion d'une consommation courante de drogues" ou "pour une consommation personnelle" sont des notions juridiques floues qui sont contraires à l'exigence de sécurité juridique contenue dans l'article 2.1 de la Constitution. En outre, les recours se référaient à la protection du droit des jeunes enfants à la protection et aux soins de leur famille, à un environnement sain et au droit au plus haut niveau de santé physique et mentale.
 
La Cour a souligné sa neutralité et le fait qu'elle ne peut prendre position pour ou contre une règle pénale concernant la consommation de drogues. Son rôle de révision doit se limiter aux devoirs liés à l'obligation de protection de l'État par le biais de ses institutions. Elle peut comparer les droits des individus et les obligations correspondantes de l'État avec l'effet de la consommation de drogues sur l'individu et la société. Puisque la consommation de drogues modifie l'état de conscience, la Cour a estimé que l'opinion selon laquelle le comportement du consommateur n'affecte que celui-ci n'était pas fondée puisque la consommation de drogues se produit dans un contexte social. Ainsi, pour protéger le droit de chacun à la dignité humaine, l'État a le devoir d'éloigner les dangers qui menacent ses ressortissants.
 
Les recours contestant la responsabilité pénale liée à la consommation de drogues au prétexte d'une violation du droit à la libre autodétermination ont toutes été rejetées par la Cour constitutionnelle. La Cour a considéré que le droit à la dignité humaine correspondait aux droits généraux de la personne, qui couvrent divers aspects tels que le droit à la libre autodétermination. La Cour a décidé que pour remplir ses obligations, l'État doit protéger non seulement les droits fondamentaux de l'individu mais aussi les valeurs et les situations liées à ces droits. À cet égard, la Cour constitutionnelle a appliqué le test de nécessité-proportionnalité et s'est seulement demandé si l'obligation de protection institutionnelle fondée sur le droit à la vie pouvait justifier la restriction du droit à la libre autodétermination, et dans l'affirmative, où se situaient les limites de cette restriction.
 
Le droit à la santé physique et mentale exige une participation active de la part de l'État. L'État remplit son obligation s'il protège ses citoyens de risques sanitaires irréversibles. Ce devoir de protection des institutions s'étend aux consommateurs car la consommation personnelle n'est pas fondée sur une décision libre, informée et responsable. Le "droit de se préoccuper de soi" fait partie du droit à la libre autodétermination; toutefois, on ne peut déduire de la Constitution, même de manière indirecte, un droit illimité "à l'intoxication".
 
La Cour n'a pas jugé inquiétant que le législateur ait déclaré que la consommation de différents stupéfiants et substances psychotropes entraînait une responsabilité pénale à des niveaux différents. La révision des décisions politiques dans le domaine pénal ne relève pas de la compétence de la Cour. Les conséquences juridiques de la consommation de substances affectant la santé sont différentes selon l'âge et le contexte culturel; puisque leur consommation a commencé il y a plusieurs centaines d'années, la culture européenne a appris à vivre avec l'alcool, le tabac et le café.
 
La Cour a jugé que le recours était partiellement fondé lorsqu'elle déclarait que les expressions "pour consommation personnelle" et "consommation courante" violaient le principe de la sécurité juridique, puisqu'on ne peut affirmer à partir de l'expression "consommation courante" à quel niveau de consommation on se réfère. Il n'est pas non plus précisé combien de personnes peuvent participer aux actions en question. De la même façon, l'expression "occasion de consommation" est ambiguë, car les dispositions du Code pénal ne précisent pas si cette condition s'applique à une consommation unique ou une consommation régulière dans un même lieu ou environnement personnel ou des lieux et environnements personnels différents. On ne sait pas bien si les contenus des ingrédients actifs doivent être comptabilisés dans le cas d'une infraction répétée ou si les différentes infractions individuelles doivent être évaluées selon les règles de cumul contenues dans la partie générale du Code pénal. L'ambiguité qui en résulte peut être cause de discrimination de la part des entités juridiques. Les dispositions contestées violent l'exigence de sécurité juridique.
 
En ce qui concerne la clause concernant une autorisation officielle, la Cour a jugé que le manque d'harmonisation entre les dispositions juridiques concernées et le Code pénal créait par omission une situation contraire à la Constitution.
 
La Cour a déclaré que les dispositions du Code pénal assurant l'immunité aux consommateurs dépendants n'étaient pas conformes aux accords internationaux. Elle a également constaté d'autres omissions concernant les traités internationaux. En raison de l'incorporation partielle des traités internationaux pertinents, les listes des stupéfiants et substances psychotropes ne sont pas disponibles en Hongrie et les textes juridiques nationaux, internationaux et de l'Union européenne sont toujours mélangés.
 
Renseignements complémentaires:
 
Le juge Mihály Bihari a exprimé une opinion séparée, dans laquelle il estimait inacceptable la déclaration d'omissions, puisque les arguments ne donnaient pas de motif suffisant pour déclarer une situation contraire à la Constitution. Le juge István Kukorelli a également rédigé une opinion séparée. Selon lui, pour protéger l'intérêt public d'un danger abstrait, la consommation de drogues ne peut être punissable qu'à deux conditions: la sanction pénale doit être adaptée aux risques représentés par les substances en question et, si le législateur crée des lois pénales concernant des dangers non spécifiés, la pratique doit laisser un espace pour l'examen des conditions particulières. Selon le juge Kukorelli, une opinion majoritaire ne suffit pas pour une déclaration d'inconstitutionnalité fondée sur la sécurité juridique, et il conteste l'hypothèse selon laquelle la protection des intérêts de la jeunesse et des enfants conformément aux articles 16 et 67 de la Constitution ne serait réalisée que par une responsabilité pénale qui n'autoriserait aucune exception.
 
Langues:
 
Hongrois.