HUN-2002-3-005
a)  Hongrie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  07-10-2002 / e)  569/B/1999 / f) / g)  Alkotmánybíróság Határozatai (Recueil officiel), 2002/10 / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Principes généraux - Proportionnalité.
Principes généraux - Mise en balance des intérêts.
Principes généraux - Intérêt général.
Droits fondamentaux - Problématique générale - Bénéficiaires ou titulaires des droits - Personnes physiques - Détenus.
Droits fondamentaux - Problématique générale - Limites et restrictions.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté individuelle - Privation de liberté.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté d'association.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté de réunion.
Droits fondamentaux - Droits économiques, sociaux et culturels - Liberté syndicale.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Détenu, droit d'association / Détention, droits fondamentaux, limite.
 
Sommaire (points de droit):
 
Étant donné la nécessité de réaliser un équilibre satisfaisant entre l'obligation de l'État de sanctionner les auteurs d'infractions et la liberté d'association, la Cour a déclaré que selon la Constitution, les personnes détenues peuvent exercer leur droit à la liberté d'association dès l'instant que cela ne compromet pas ou ne remet pas directement en question la finalité de l'application des peines. En prenant cette décision, le législateur doit prendre en considération la finalité de la condamnation, la question du degré de sévérité de la peine à purger et la question de savoir si, compte tenu de ce degré, l'exercice par le condamné du droit à la liberté d'association met en péril l'ordre de l'établissement pénitentiaire. Le législateur n'a pas exclu la possibilité de créer des associations en général (pas même au sein d'un établissement pénitentiaire); en conséquence, on ne peut déterminer qu'au vu de toutes les circonstances de l'affaire si la restriction apportée à la liberté d'association est nécessaire et proportionnée dans chaque cas d'espèce.
 
Résumé:
 
Le requérant a saisi la Cour constitutionnelle en lui demandant d'établir une déclaration d'inconstitutionnalité au sujet de l'article 36.5.f du Décret-loi sur l'application/l'exécution des peines (Décret-loi), en indiquant que cette disposition - rapprochée de l'article 36.6.b du Décret-loi - ne permet pas aux personnes détenues dans quelque établissement pénitentiaire que ce soit d'exercer leur droit à la liberté d'association énoncé à l'article 63 de la Constitution, pas plus que leur droit de créer des organisations (syndicats) ou d'y adhérer afin de défendre leurs intérêts économiques et sociaux garantis par l'article 70/C de la Constitution.
 
Selon l'article 36.5.f du Décret-loi, les droits des citoyens condamnés (détenus) sont modifiés comme suit: du fait de leur détention, des restrictions sont apportées à leur liberté d'association, à leur droit à l'éducation et à leur devoir de défense nationale.
 
Selon l'article 36.6 du Décret-loi, la liberté de réunion des personnes détenues est suspendue pendant la durée de leur détention.
 
La Cour constitutionnelle a fait de la liberté d'association l'un des droits d'expression. Par liberté d'association, il faut entendre que toute personne a le droit de créer une association à vocation culturelle, économique, politique ou autre, ou de participer à l'activité d'un tel groupe de personnes. Cette liberté englobe le droit de créer une association, et celui d'y adhérer ou de ne pas y adhérer. La liberté d'association est un droit fondamental qui, comme n'importe quel autre droit fondamental, peut faire l'objet de restrictions.
 
Les personnes détenues dans un établissement pénitentiaire se trouvent dans une situation particulière. Elles sont également titulaires des droits fondamentaux; toutefois, en raison de leur détention et de sa finalité judiciaire, les dispositions juridiques limitent le droit des condamnés de jouir de leurs droits fondamentaux. Dans son arrêt n° 13/2001 (Bulletin 2001/2), la Cour constitutionnelle a traité de la limitation de l'exercice de certains droits fondamentaux découlant de la détention dans un établissement pénitentiaire. En vertu de cet arrêt, il y a certains droits fondamentaux qui ne peuvent pas être affectés par la détention des condamnés, comme le droit à la vie et à la dignité de la personne humaine. De par la nature même de la détention, le plein exercice du droit à la liberté personnelle, à la liberté de circulation et à la liberté du choix de la résidence est exclu. La liberté d'opinion, elle, figure parmi les droits fondamentaux qui subsistent pendant la détention, mais son exercice et sa manifestation sont définis par l'exécution de la peine et les circonstances qui l'entourent.
 
La Cour constitutionnelle a étudié la constitutionnalité de la limitation de l'exercice des droits fondamentaux en s'appuyant sur ce qu'on appelle le critère de nécessité. En l'espèce, elle a dû réaliser un équilibre satisfaisant entre le pouvoir de l'État de traiter de façon satisfaisante les affaires pénales et la liberté d'association des détenus. S'agissant des droits fondamentaux des détenus, la Cour constitutionnelle considère qu'il importe que la détention soit utilisée pour motiver uniquement la restriction à l'exercice des droits fondamentaux ayant un rapport direct avec l'exécution de la peine elle-même. Une disposition juridique liée aux droits constitutionnels des condamnés qui entrave l'exercice par un condamné d'un droit fondamental quelconque du fait de sa détention ne peut être considérée comme constitutionnelle que si elle sert des fins pénales légitimes. En l'espèce, la Cour constitutionnelle a indiqué qu'aux fins de l'application effective des lois pénales de l'État et du maintien de l'ordre dans l'exécution des peines, la restriction à l'exercice du droit à la liberté d'association peut être nécessaire dans certains cas.
 
Il est du devoir constitutionnel de l'État de demander aux auteurs d'infractions de rendre compte de leurs actes. Cette responsabilité consiste notamment à faire appliquer les peines de détention infligées aux personnes condamnées par un tribunal. En faisant exécuter la peine, l'État ne peut restreindre l'exercice de la liberté d'association que dans la mesure où cela concourt à la réalisation de l'objet judiciaire de la peine. L'objet de la détention est de promouvoir la resocialisation du condamné en appliquant une sanction judiciaire et d'aider le condamné à éviter de commettre de nouvelles infractions à l'avenir. Le fait d'être membre d'une association peut faire beaucoup pour aider les condamnés à garder le contact avec le monde extérieur; après leur détention, il peut faciliter leur réinsertion dans la société; et le fait d'appartenir à une communauté de taille réduite peut aussi promouvoir la préservation de la personnalité et de l'estime de soi.
 
En vertu de l'article 36.5.f du Décret-loi, la liberté d'association est limitée. Cette norme juridique stipule que la proportionnalité d'une restriction juridique ne peut faire l'objet d'un contrôle parce que la question de savoir si la restriction de la liberté d'association d'un condamné est proportionnée à l'objectif poursuivi dans un cas particulier est déterminée par la pratique judiciaire. Le Décret-loi ne traite pas du degré de restriction de la liberté d'association des condamnés ni de la question de savoir quelles associations peuvent encore être créées et à quelles associations les détenus peuvent adhérer.
 
D'une façon générale, on peut dire qu'une restriction au droit d'association n'est pas proportionnée lorsqu'il est interdit aux condamnés de créer des associations qui sont conciliables avec la finalité de la peine et ne mettent pas en péril l'ordre et la sécurité. C'est plus particulièrement important lorsque les condamnés souhaitent créer une association de défense de leurs intérêts tels qu'ils sont protégés par le Décret-loi.
 
Certes, l'exercice de la liberté d'association par les condamnés est restreinte en ce sens qu'ils ne peuvent pas participer à la vie quotidienne des associations en dehors de l'établissement pénitentiaire. Cette restriction découle du fait que pendant la durée de leur détention, le droit des condamnés à la libre circulation et au libre choix de leur résidence est "suspendu". La finalité de l'exécution de la peine veut que la personne détenue ne puisse à aucun moment quitter l'établissement pénitentiaire. Toutefois, cette restriction ne signifie pas que les condamnés ne peuvent pas être membres d'une association en dehors de l'établissement en question ni prendre part à aucune de ses activités. Ils peuvent conserver la qualité de membre d'une association à laquelle ils ont adhéré avant leur placement en détention ou devenir membres d'une nouvelle association lorsque cela est conciliable avec l'exécution de leur peine. L'appartenance des condamnés à une association en dehors de l'établissement pénitentiaire n'est restreinte que dans la mesure où ils ne peuvent pas prendre personnelement part à l'activité de l'association en question ou ne peuvent le faire que lorsqu'ils sont autorisés à sortir de l'établissement en application des règles générales relatives à l'exécution des peines. Pendant la durée de cette sortie, ils peuvent même créer une association, comme c'est le cas lorsque leur participation à une réunion de fondation d'une association n'a rencontré aucune difficulté.
 
L'exercice du droit à la liberté d'association est possible non seulement dans le cas des associations en dehors de l'établissement pénitentiaire, mais aussi au sein de ce dernier, lorsque les condamnés entendent créer des associations, par exemple des associations de défense de leurs intérêts. L'article 70/C.1 de la Constitution prévoit un type spécial de liberté d'association, à savoir des associations de défense des intérêts sociaux et économiques et du droit d'en créer et d'y adhérer. Étant donné que le droit fondamental que garantit l'article 70/C de la Constitution est l'expression de la liberté générale d'association en ce qui concerne les associations de défense des intérêts (syndicats), les textes concernant l'élément constitutif de la liberté d'association sont, selon l'interprétation de cette disposition constitutionnelle, normatifs: le droit de créer des associations de défense des intérêts, ou plutôt l'exercice de ce droit - conjointement à la liberté d'association - est restreint par le fait qu'un condamné est placé en détention. Au regard de ce droit, on peut donc dire que l'exercice par les condamnés du droit de créer des associations n'est limité que dans la mesure où la finalité de l'exécution de la peine le justifie; et que ce droit ne peut être limité que dans la mesure où cela est nécessaire et inévitable pour maintenir l'ordre dans l'établissement pénitentiaire.
 
Renvois:
 
-   Décision n° 13/2001 du 14.05.2001, Bulletin 2001/2 [HUN-2001-2-005].
 
Langues:
 
Hongrois.