ARM-2008-3-010
a)  Arménie / b)  Cour constitutionnelle / c) / d)  25-11-2008 / e)  DCC-780 / f)  Conformité de plusieurs dispositions du Code civil, de la loi sur les impôts et des articles 15 et 118 du Code de procédure administrative avec la Constitution / g)  Téghékaguir (Journal officiel) / h) .
 
Mots-clés du thésaurus systématique:
 
 
Principes généraux - État de droit.
Principes généraux - Sécurité juridique.
Principes généraux - Clarté et précision de la norme.
Institutions - Organes juridictionnels - Juridictions administratives.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable.
Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Accès aux tribunaux.
Droits fondamentaux - Droits économiques, sociaux et culturels - Liberté du commerce et de l'industrie.
 
Mots-clés de l'index alphabétique:
 
Liberté d'entreprendre / Justice administrative / Voies de recours effectives.
 
Sommaire (points de droit):
 
Au regard de la Constitution arménienne, le droit universel à la liberté d'entreprendre (sous réserve que la loi ne s'y oppose pas) englobe l'ensemble des voies de recours légales qui créent les conditions préalables nécessaires pour permettre à un individu de décider par lui-même de ses activités économiques. Cela implique le respect de la concurrence, la possibilité de monter des projets économiques sans restriction, de modifier la forme ou les orientations de ses activités, de liquider une entreprise existante et de passer contrat. La possibilité offerte à celui qui souhaite se lancer dans une activité économique d'accéder à un marché ou de s'en retirer sans rencontrer d'obstacles artificiels représente un élément essentiel du droit à la liberté d'entreprendre.
 
La Constitution laisse au législateur toute latitude pour mettre en place une juridiction d'appel dans le cadre du système de justice administrative. Néanmoins, il lui faut, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, tenir compte de la nécessité de protéger les droits de l'homme et les droits civils consacrés par la Constitution et les conventions internationales. Le droit à la protection juridictionnelle et le droit de recours exigent des garanties spécifiques.
 
Les arrêts rendus par une juridiction chargée du contentieux administratif ne peuvent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel lorsqu'il n'existe aucune chambre spécialisée dans ce domaine. La garantie constitutionnelle relative à l'existence de chambres au sein de la Cour de cassation aura un sens lorsque cette dernière aura sa propre chambre spécialisée, compétente pour connaître d'une affaire donnée et statuer en l'espèce.
 
Résumé:
 
L'auteur du recours soutenait que l'imprécision de la notion d'«activité commerciale» et le libellé de divers actes normatifs autorisaient des interprétations différentes, dans la mesure où ils permettaient de considérer l'activité d'un individu comme une activité à la fois commerciale et non commerciale.
 
La Cour constitutionnelle a relevé, à l'analyse des textes de loi, que le législateur avait mis en avant les caractéristiques essentielles de la notion d'«activité commerciale» et n'avait en rien interdit l'ajout de caractéristiques supplémentaires. La Cour de cassation, dans le cadre de sa mission d'harmonisation de l'application de la loi et en vertu de son pouvoir de dire le droit, avait interprété le sens de cette notion au regard de la loi, ainsi que la portée de ses caractéristiques.
 
La Cour constitutionnelle a conclu que les dispositions contestées n'étaient entachées d'aucune imprécision.
 
L'auteur du recours mettait par ailleurs en cause, d'une part, les dispositions du Code de procédure administrative en vertu desquelles les décisions de la juridiction administrative acquièrent force exécutoire à compter du moment où elles sont prononcées, et, d'autre part, la procédure de pourvoi en cassation en matière administrative et les modalités d'examen de l'affaire devant la Cour de cassation, qui sont régies par les dispositions pertinentes du Code de procédure civile.
 
Un examen rigoureux du Code de procédure administrative a conduit la Cour constitutionnelle à mettre en lumière certains points des textes qui encadrent le dépôt d'un recours à l'encontre des arrêts émanant de juridictions administratives:
 
-   les arrêts d'une juridiction administrative ont force exécutoire à compter du moment où elles sont prononcées et ne peuvent être portés devant la Cour d'appel;
 
-   les arrêts d'une juridiction administrative sont uniquement susceptibles d'un pourvoi devant la Cour de cassation;
 
-   faute de possibilité de saisir la Cour d'appel, les décisions des juridictions administratives peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation dans les mêmes conditions que les arrêts émanant d'une Cour d'appel civile;
 
-   les critères de recevabilité des pourvois déposés à l'encontre des arrêts d'une juridiction administrative sont identiques à ceux qui régissent les pourvois visant des arrêts émanant d'une Cour d'appel civile;
 
-   la portée de l'examen, par la Cour de cassation, des pourvois déposés à l'encontre des arrêts d'une juridiction administrative est identique à celle de l'examen des pourvois formés contre des arrêts émanant de Cours d'appel civiles; la compétence de la Cour est la même.
 
La Cour constitutionnelle s'est référée à la thèse juridique essentielle que la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme a toujours défendue, à savoir que la Convention européenne des Droits de l'Homme ne fait pas obligation aux États contractants de créer des Cours d'appel ou des Cours de cassation. Toutefois, lorsqu'elles existent, ces instances doivent respecter l'ensemble des garanties consacrées par l'article 6 CEDH. En l'espèce, la Cour constitutionnelle a commencé par déterminer si la disposition légale applicable aux recours à l'encontre d'arrêts de la Cour administrative pouvait préserver l'exercice effectif du droit à un procès équitable dans l'ordre judiciaire administratif.
 
La Cour constitutionnelle a estimé que le caractère effectif de l'exercice du droit à un procès équitable dans le système judiciaire administratif dépendait avant tout du double degré de juridiction administrative en vigueur en République d'Arménie et de l'efficacité de ce système. L'accès à la Cour de cassation et son efficacité importaient d'autant plus qu'elle était la seule juridiction de recours.
 
La Cour constitutionnelle a relevé que les dispositions contestées de l'article 118 du Code de procédure administrative avaient étendu les règles applicables à la Cour de cassation dans le cadre du triple degré de juridiction de la procédure civile aux recours déposés à l'encontre d'arrêts juridictionnels administratifs, y compris les critères du pourvoi en cassation et de sa recevabilité, sans tenir compte des caractéristiques de la justice administrative et des décisions de justice prises dans le cadre du contentieux administratif. Or cette situation limite l'accès à la Cour de cassation. Comme il n'existe aucune possibilité d'appel en matière administrative, la Cour constitutionnelle a jugé qu'il était inadmissible d'appliquer le même mécanisme de pourvoi et les mêmes critères de recevabilité des pourvois à l'encontre de décisions juridictionnelles administratives que ceux utilisés dans le système de triple degré de juridiction de la procédure civile. Elle a estimé que le Code de procédure administrative devait définir clairement la procédure de recours contre les décisions des juridictions administratives, préciser les conditions d'un pourvoi en cassation, et fixer les règles de la procédure de recours. Elle a ajouté qu'il ne fallait se référer aux autres textes de loi que si cela respectait les principes généraux constitutionnels de l'ordre judiciaire.
 
La Cour constitutionnelle a souligné que l'article 115.1 du Code de procédure administrative faisait ressortir l'inefficacité de l'actuel double degré de juridiction de la justice administrative. En vertu de cette disposition, les arrêts d'une juridiction administrative statuant dans une affaire donnée ont force exécutoire à compter du moment où elles sont prononcées. La Cour constitutionnelle a considéré que, dans ces conditions, le fait de se pourvoir en cassation contre des arrêts juridictionnels administratifs non seulement ôtait toute efficacité à la protection des droits par la Cour de cassation, mais portait également atteinte au principe de sécurité juridique. Or ces éléments, garantis à l'article 1 de la Constitution, font partie intégrante d'un État démocratique respectueux de la prééminence du droit.
 
La Cour constitutionnelle a relevé qu'il était impossible de former un recours contre une décision de renvoi de la Cour de cassation, contrairement à ce qui existe pour les décisions de renvoi prononcées par la Cour d'appel. Cette situation influe sur l'accès au double degré de juridiction de la justice administrative et sur son efficacité. Ainsi, en cas de renvoi d'un pourvoi formé devant la Cour de cassation, l'intéressé se trouve privé de la faculté de déposer un recours contre cette décision (et par conséquent de toute voie de recours effective contre cette décision), et, qui plus est, il ne bénéficie en pratique d'un droit à un procès équitable qu'auprès de la juridiction de première instance.
 
La Cour constitutionnelle a également fait remarquer que les pourvois en cassation pouvaient uniquement être formés par l'intermédiaire d'avocats agréés, ce qui restreint l'accès à la Cour de cassation. Or, celle-ci est la seule juridiction que l'on puisse saisir pour faire appel d'une décision rendue par des juridictions administratives.
 
La Cour constitutionnelle a observé qu'en matière de justice spécifiquement administrative, le droit à un procès équitable n'était effectif que s'il est possible d'avoir accès à une Cour de cassation efficace. Une protection juridictionnelle effective suppose l'existence d'une chambre spécialisée distincte, compétente pour statuer sur les affaires dont elle est saisie et pour organiser l'examen des faits conformément aux caractéristiques de la justice administrative.
 
La Cour constitutionnelle a conclu à l'inconstitutionnalité, et par conséquent à la nullité, des dispositions contestées du Code de procédure administrative.
 
Dans le cadre de cette affaire, la Cour constitutionnelle a également examiné un autre aspect des problèmes posés par la juridiction administrative spécialisée instituée par l'article 135 du Code de procédure administrative. Cet article intègre la question de la justice constitutionnelle dans le domaine de la justice administrative en énonçant que la Cour administrative traite la question de la conformité des actes juridiques normatifs ministériels avec la Constitution.
 
La Cour constitutionnelle, traitant la question de la répartition des fonctions et des compétences entre la Cour constitutionnelle et la Cour administrative, a relevé que la Constitution établissait une distinction entre les fonctions juridictionnelles constitutionnelles et de droit commun à l'article 93, attribuant expressément le contentieux constitutionnel à la Cour constitutionnelle. Cette distinction entre les fonctions juridictionnelles constitutionnelle et de droit commun, établie par la Constitution, est garante de l'équilibre fonctionnel dynamique de l'ensemble du système. De plus, il appartient à la Cour constitutionnelle d'assurer la primauté de la Constitution et son effet direct dans l'ordre juridique au moyen de la justice constitutionnelle. La juridiction administrative spécialisée est quant à elle appelée à veiller à la légalité de l'activité des organes administratifs en mettant en oeuvre le droit à la protection juridictionnelle des personnes physiques et morales contre les actes, mesures et abstentions des organes administratifs et normatifs de l'État, des administrations locales et de leurs fonctionnaires, et d'examiner les requêtes d'organes administratifs et de leurs fonctionnaires contre des personnes physiques et morales.
 
La Cour constitutionnelle considère que confondre les contentieux administratif et constitutionnel dans l'application concrète du droit peut engendrer des approches différentes dans l'interprétation des normes constitutionnelles, lesquelles sont susceptibles de compromettre sérieusement la primauté de la Constitution et son effet direct, ainsi que la mise en oeuvre d'une politique coordonnée de constitutionnalisation des relations publiques.
 
Langues:
 
Arménien.