HUN
 
HONGRIE
Cour constitutionnelle
 
I.   Introduction
1. L’institution de la Cour constitutionnelle est apparue dans la Constitution en 1989. Les dispositions précises relatives à cette Cour ont fait l’objet, en octobre 1989, de la loi XXXII de 1989 sur la Cour constitutionnelle; les cinq premiers membres de la Cour ont étéélus peu après par le parlement. La Cour constitutionnelle est entrée en fonction le 1er janvier 1990. Les amendements constitutionnels de 2010 et la loi fondamentale sont entrés en vigueur le 1er janvier 2012. Ils ont modifié la position de la Cour constitutionnelle dans le système juridique hongrois. L’évolution constitutionnelle a eu des incidences sur la composition de la Cour, la nomination et l’élection des juges ainsi que le fonctionnement de la Cour.
2. La Cour constitutionnelle est une juridiction indépendante, étrangère à la hiérarchie des tribunaux ordinaires.
II.   Textes fondamentaux
-   Articles 24 et 37 de la loi fondamentale;
-   Articles 19, 22, 29 des dispositions transitoires de la loi fondamentale;
-   Loi CLI de 2011 sur la Cour constitutionnelle.
III.   Composition, procédure et organisation
1. Composition
Conformément à l’article 24.4 de la loi fondamentale, la Cour constitutionnelle est composée de 15 membres. Tous les membres ainsi que le président sont élus par le parlement pour un mandat de 12 ans. Les citoyens hongrois diplômés en droit, âgés de 45 ans au moins, éminents juristes ou ayant 20 années minimum d’expérience professionnelle dans le domaine du droit peuvent être élus membres de la Cour constitutionnelle. Les membres ne sont pas rééligibles. Une commission ad hoc du parlement, chargée de nommer les juges de la Cour constitutionnelle et composée d’au moins 9 membres et d’au plus 15, reflète le nombre de députés dans les groupes parlementaires des partis. La Commission permanente du parlement chargée des questions constitutionnelles entend les candidats. Les membres de la Cour constitutionnelle sont élus à la majorité des deux tiers de l’ensemble des députés. Le parlement pourvoit au remplacement des membres de la Cour constitutionnelle dans les 90 jours qui précèdent l’expiration de leurs fonctions. S’il ne parvient pas àélire de nouveaux membres dans ce délai, le mandat des membres en exercice est prorogé jusqu’à l’entrée en fonction de leur successeur.
Les membres de la Cour prêtent serment devant le parlement avant de prendre leurs fonctions. Ils n’appartiennent à aucun parti politique et ne mènent aucune activité politique.
Aucune personne ayant, au cours des quatre années précédant la date de l’élection, été membre du gouvernement, occupé un poste de responsabilité ou de direction au sein d’un parti politique ou été titulaire d’un poste important dans l’administration ne peut devenir juge à la Cour constitutionnelle. Un juge à la Cour constitutionnelle ne peut exercer de fonction ou de mandat dans l’administration nationale ou locale, dans la société, ni occuper un poste politique ou économique sauf s’il s’agit d’activités scientifiques ou de poste dans l’enseignement supérieur et à condition que ces fonctions n’interfèrent pas avec celles de membre de la Cour constitutionnelle. Les juges ne peuvent exercer d’activité rémunérée à l’exception d’activités scientifiques, pédagogiques, artistiques, littéraires, éditoriales ou intellectuelles protégées par des droits de propriété intellectuelle.
Les membres de la Cour constitutionnelle bénéficient d’une immunité identique à bien des égards à celle dont jouissent les députés. Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut être poursuivi pénalement pour quelque infraction que ce soit ni faire l’objet de mesures de contrainte sans le consentement de la Cour siégeant en séance plénière. Seule la Cour siégeant en séance plénière est habilitée à lever l’immunité d’un membre. Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne saurait être tenu responsable d’activités menées ou de déclarations ou d’opinions émises dans l’exercice de ses fonctions.
Lorsque survient un motif d’incompatibilité, le membre de la Cour constitutionnelle doit y mettre fin, faute de quoi la Cour, réunie en séance plénière, met fin à ses fonctions.
Il peut être mis fin au mandat d’un membre de la Cour constitutionnelle si, pour une raison indépendante de sa volonté, celui-ci n’est plus en mesure de remplir ses fonctions.
Il peut être mis fin au mandat par révocation si un membre de la Cour constitutionnelle, pour une raison qui lui est imputable, ne s’acquitte pas de ses fonctions ou se révèle indigne de sa charge; cette révocation est prononcée par la Cour siégeant en séance plénière. Le membre est exclu s’il a commis intentionnellement une infraction pénale, n’a pas participé aux travaux de la Cour constitutionnelle pendant un an pour des raisons qui lui sont imputables, a volontairement manquéà l’obligation de déclarer ses biens ou a intentionnellement fait une fausse déclaration concernant des données importantes.
2. Organisation
Les règles détaillées régissant l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle devraient être fixées par le Règlement de cette dernière et par les règles d’organisation et de fonctionnement devant être adoptées par la Cour siégeant en séance plénière.
Tous les juges disposent actuellement de leur propre cabinet composé de trois conseillers. Les fonctions administratives et d’instruction sont dévolues au cabinet du Secrétaire général de la Cour (qui n’est pas membre de la Cour, mais est investi de fonctions administratives).
Le budget de la Cour est établi par le parlement sur proposition de la Cour.
IV.   Compétences
1. Compétences
Les domaines de compétences de la Cour constitutionnelle hongroise se répartissent comme suit:
a. Contrôle a priori des actes juridiques suivants:
-   lois adoptées mais non encore promulguées (à la demande du parlement ou du Président de la République);
-   certaines dispositions de traités internationaux (à la demande du Président de la République ou du gouvernement).
b. Contrôle abstrait a posteriori des actes juridiques suivants:
-   actes législatifs et actes juridiques délégués, tels que décrets ministériels (à la demande du gouvernement, d’un quart de l’ensemble des députés ou du Commissaire aux droits fondamentaux).
c. Initiative judiciaire: contrôle concret des normes
Après avoir noté l’inconstitutionnalité d’une disposition juridique applicable à une affaire en cours de jugement, le juge chargé de l’affaire suspend la procédure et soumet une requête de contrôle à la Cour constitutionnelle.
d. Recours en inconstitutionnalité
-   Recours en inconstitutionnalité applicable à des normes
1. Toute personne partie à une affaire concrète peut déposer un recours en inconstitutionnalité au motif qu’un de ses droits garantis par la loi fondamentale a été violé, si le dommage découle de l’application d’une disposition juridique inconstitutionnelle et si toutes les voies de recours possibles ont étéépuisées ou si aucune autre voie de recours n’est possible.
2. La procédure peut aussi être engagée à titre exceptionnel lorsque de telles dispositions juridiques deviennent effectives sans décision judiciaire, qu’il n’existe pas de voie de recours ou que le plaignant a déjàépuisé les voies de recours possibles (Recours exceptionnel).
Le procureur général peut aussi contester la règle juridique appliquée dans des affaires concrètes jugées avec la participation du procureur si la personne concernée est incapable de défendre elle-même ses droits ou si la violation des droits touche un plus grand groupe de personnes.
-   Recours en inconstitutionnalité contre une décision judiciaire
Les personnes touchées par des décisions judiciaires contraires à la loi fondamentale peuvent former un recours si la décision sur le fond de l’affaire ou toute autre décision mettant fin à la procédure judiciaire est contraire aux droits fondamentaux, si les possibilités de recours ont étéépuisées ou s’il n’existe pas de possibilité de recours.
e. Examen des conflits avec des traités internationaux
La Cour examine des dispositions juridiques à la demande (d’un quart des députés, du gouvernement, du Président de la Curia, du Procureur général, du Commissaire aux droits fondamentaux ou des juges) ou d’office au cours de toute procédure.
f. Recours en inconstitutionnalité liés au contrôle des référendums populaires
Toute personne peut demander un contrôle des décisions parlementaires ordonnant un référendum ou excluant un référendum devant être convoqué.
g. Avis sur la dissolution d’un organe local
Le gouvernement peut demander à la Cour de donner son avis sur la question de savoir si le fonctionnement des organes représentatifs des collectivités locales et des instances autonomes des différents peuples est contraire à la loi fondamentale.
h. Avis relatif aux Églises dont le fonctionnement est contraire à la loi fondamentale
Le gouvernement peut demander à la Cour de dire si le fonctionnement d’une Église reconnue sur le fondement de la loi sur les Églises est contraire à la loi fondamentale.
i. Mise en accusation du Président de la République
Il revient à la Cour constitutionnelle de mettre en accusation le Président de la République pour violation délibérée de la loi fondamentale ou d’une autre loi dans l’exercice de ses fonctions officielles ou en cas d’infraction pénale commise délibérément.
j. Conflit de compétences
La Cour peut régler un conflit de compétences entre des organes de l’État ou entre un organe de l’État et des organes de l’administration locale.
k. Examen d’actes juridiques délégués et d’actes juridiques
Dans le cadre d’un contrôle a posteriori d’actes juridiques et d’une procédure de recours en inconstitutionnalité, la Cour peut examiner la conformité des décrets de l’administration locale uniquement si le but est de vérifier la conformité à la loi fondamentale.
Dans le cadre du contrôle d’actes juridiques, dans des affaires concrètes et dans le cas d’examens de la conformité aux traités internationaux et des procédures de recours en inconstitutionnalité, la Cour peut examiner les actes juridiques ainsi que les ordonnances et les décisions sur l’application uniforme de la loi.
l. Interprétation de la loi fondamentale (avis consultatif)
À la demande du Parlement ou de sa Commission permanente, du Président de la République ou du Gouvernement, la Cour donne une interprétation des dispositions de la loi fondamentale concernant une question constitutionnelle donnée à condition que l’interprétation puisse être directement déduite de la loi fondamentale.
2. Procédure
La Cour constitutionnelle siège soit en séance plénière, soit en sections de cinq membres. Elle peut aussi décider en formation de juge unique. Les sections se prononcent dès lors que la Cour réunie en formation plénière n’est pas compétente. La Cour se prononce en séance plénière dans les affaires de contrôle a priori des actes juridiques, en cas de mise en accusation et pour donner une interprétation de la loi fondamentale. Elle se prononce aussi en séance plénière sur l’annulation d’une loi contraire à la loi fondamentale ou à un traité international et sur l’annulation d’une loi dans une affaire examinée au fond par une section.
La Cour statue sur le fond d’après les documents dont elle dispose. Elle peut demander des audiences contradictoires. Une audience publique est alors organisée sur la base de la décision du juge qui préside la section ou, en cas de séance plénière, du Président, à la demande du requérant ou de la partie adverse.
V.   Nature et effets des jugements
1. La décision de la Cour constitutionnelle est finale et ne peut faire l’objet d’un recours. Si la Cour constitutionnelle considère qu’une disposition juridique est inconstitutionnelle, elle l’annule en tout ou en partie. En vertu cependant de l’article 37.4 de la loi fondamentale, tant que le niveau de la dette publique est supérieur de moitié au produit national brut, la Cour, qui est compétente pour contrôler des actes juridiques et en cas de recours en inconstitutionnalité, peut examiner et annuler les lois relatives au budget de l’État, aux impôts de l’État central, aux droits et contributions de timbre, aux droits de douane et aux exigences de l’État central relatives aux impôts locaux uniquement si la requête se fonde exclusivement sur le droit à la vie et à la dignité, sur la protection de données à caractère personnel, sur la liberté de pensée, de conscience et de religion ou sur les droits liés à la citoyenneté hongroise. Elle peut annuler sans restriction les actes susmentionnés si les exigences procédurales
énoncées dans la loi fondamentale pour élaborer et promulguer ces actes n’ont pas été observées.
De plus, l’article 27 des dispositions transitoires de la loi fondamentale dispose que l’article 37.4 demeure en vigueur pour les lois qui ont été promulguées lorsque la dette publique était supérieure de 50% au produit national même si le ratio ne dépasse plus ce pourcentage.
Si la Cour déclare une décision judiciaire contraire à la loi fondamentale, elle l’annule et peut aussi annuler les décisions judiciaires ou les décisions d’autres instances réexaminées dans le cadre de la décision en question.
La Cour peut exceptionnellement demander au tribunal la suspension de l’exécution de la décision contestée si cette suspension se justifie par la durée probable de la procédure engagée ou de la décision attendue, pour éviter tout dommage ou inconvénient grave et irréparable ou pour toute autre raison importante, si le tribunal n’a pas suspendu l’exécution de la décision. Elle peut aussi suspendre l’entrée en vigueur d’une disposition juridique si des mesures immédiates s’imposent pour éviter tout dommage ou inconvénient grave et irréparable ou pour protéger la loi fondamentale ou la sécurité juridique.
2. Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont d’ordinaire opposables à tous (effet erga omnes). Les décisions en matière de conflit de compétences ont naturellement un effet essentiellement inter partes. Toutes les décisions de la Cour constitutionnelle ont un effet contraignant sur tous les organes de l’État.
3. Les principales décisions de la Cour sont publiées au Journal officiel (Magyar Közlöny). Toutes les décisions de la Cour sont publiées dans un bulletin mensuel de la Cour (Alkotmánybírósági Határozatok). La Cour publie aussi chaque année un recueil reprenant toutes les décisions de l’année en question.